Mentir, se mentir, faire semblant...
Mentir, se mentir, faire semblant... aggrave la maladie
Texte écrit par l'association AISMS après recherches (articles référencés) et discussions ouvertes avec des étudiants en médecine, des malades et des spécialistes de santé (médecins, pharmaciens, auxiliaire de vie)
Mensonge : définition du dictionnaire Larousse : Action de mentir, de déguiser, d'altérer la vérité. Assertion contraire à la vérité.
Mentir, se mentir... Pourquoi ?
Pour se protéger ou protéger autrui (éviter des questions, des conflits, ne pas faire de peine etc), pour se vanter, pour palier un manque de confiance en soi, par peur (peur de la suite, peur de perdre l'amour de quelqu'un, peur de la vérité), par tabou ou encore superstition... etc, pour cacher quelque chose, pour obtenir quelque chose (emploi, avantage, objet etc)...
Dans un article pour Cerveau & Psycho, le professeur de psychiatrie Bernard Granger explique que l'on pourrait identifier trois formes de mensonges :
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l'officieux, qui serait dit pour ne pas faire de peine, pour protéger, pour ne pas choquer,
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le joyeux, qui serait utilisé pour faire rire, pour distraire,
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le pernicieux, qui serait proféré pour faire mal, pour tromper, pour escroquer
Le mensonge peut être un acte réflexe, une pathologie (mythomanie) ou une action issue de nos « conventions sociales »... exemple :
« Bonjour, comment ça va ? »
« Ça va (bien) merci ! »
Cette réponse est fausse 9 fois sur 10... pourquoi ?
Regardons le mensonge de la personne malade...
Pour cette personne, il est souvent plus rapide de faire cette réponse plutôt que prendre du temps pour expliquer sa maladie, ses douleurs, ses ressentis, ses traitements, ses soucis... risquant ainsi de perdre du temps ou d'en faire perdre à son interlocuteur, de faire du mal ou faire peur, de se torturer elle-même en répétant son propre calvaire face à chaque personne croisée ou encore d'engendrer pitié, fausse compassion, hypocrisie ou même curiosité malsaine...
Il y a des degrés dans ce mensonge de convention ; en effet la santé peut être perturbée très momentanément et de manière anodine (petit rhume, fatigue passagère etc) ou bien plus durablement et de façon sévère (maladie grave, chronique...). Dans ce cas, le mensonge peut être jugé comme salvateur... mais...
Peut-on se mentir à soi-même ?
À priori, cela semble impossible d'un point de vue logique...
Nous pouvons tenter de nous mentir à nous-mêmes, mais il y a toujours une partie de nous qui sait que nous nous mentons. Cette partie est notre corps, siège de l'inconscient. Souvent, lorsque nous sommes enfermés dans le mensonge, notre corps nous adresse des signaux, notre inconscient nous envoie des rêves nous informant qu'un temps de sincérité et d'honnêteté avec soi serait approprié pour notre santé physique et mentale. Si nous refusons ces signes qui nous interpellent pour attirer notre attention, nous pouvons avoir l'impression que notre corps est notre ennemi et qu'une partie de nous tente d'avoir raison sur nous. Nous sommes alors aveugles ou sourds. Nous aimerions tellement que notre monde intérieur se mente à lui-même, tout comme nous le faisons avec notre personnalité.
(…)
Nous avons tous le droit de mentir et nous avons nos raisons pour le faire. Mais, à la longue, mentir blesse le corps et l'âme. Il y a un prix à payer pour utiliser le mensonge comme outil de protection, de manipulation ou de pouvoir. Ce prix est une inauthenticité envers les autres, mais avant tout et surtout envers soi-même, ce qui n'est pas sans conséquences physiques, émotionnelles et psychiques. Mentir cause du stress. Il y a décharge hormonale, libération d'adrénaline, sueurs, anxiété. Les menteurs chroniques s'habituent à ces symptômes physiques, s'y identifient jusqu'à les cultiver, car ces symptômes peuvent engendrer une accoutumance semblable à certaines drogues.
Nous mentir à nous-mêmes nous éloigne de notre propre vérité et creuse un fossé entre les parties de soi qui « savent » et les autres parties qui font semblant de ne pas savoir. (...) se mentir à soi-même est souvent accompagné d'un retour vers des compulsions telles que l'alcool, le sexe, la drogue physique ou affective. Ce phénomène est pernicieux, car le fait de nier une vérité intérieure engendre d'importantes frustrations, beaucoup d'irritation et de colère dirigée contre soi. Ces expériences émotionnelles sont souvent suivies d'un sentiment de désespoir et de séparation intérieure. Pour notre personnalité consciente, ces émotions sont douloureuses, c'est pourquoi nous pouvons ressentir le besoin urgent de combler cet état de frustration par la compulsion. La satisfaction est alors immédiate et elle anesthésie la partie de nous qui sait la vérité.
(…)
Pour beaucoup, l'auto-mensonge n'est pas un acte conscient. Au contraire, il peut s'agir de bons vieux réflexes d'autoprotection, de survie, qui sont devenus des habitudes comportementales non réfléchies. C'est là que le mensonge blesse. Le mensonge envers soi-même n'est pas innocent dans l'écologie intérieure : il entraîne des conséquences qui bouleversent notre être.
La blessure de se mentir
La blessure du mensonge ressemble à une compresse de gaze qui au début remplissait sa fonction. Une compresse de gaze recouvre et protège une plaie, réalisant un pansement qui prévient l'infection. On peut retirer périodiquement ce pansement pour permettre à la plaie de respirer, ce qui favorise la cicatrisation. Imaginons maintenant que la compresse est laissée en place pendant des mois et que la plaie n'est plus traitée. Que se passera-t-il ? La plaie s'infectera et la gaze s'amalgamera à la chair. Si l'on tentait alors de retirer le pansement brusquement, on arracherait la peau, laissant une nouvelle plaie encore plus grande que la première.
Cette description peut choquer, car l'image est forte. Il n'empêche que se mentir à soi-même, c'est comme mettre des pansements sur une plaie qui s'infecte, alors que cette souffrance ancienne aurait plutôt besoin de vivre à l'air libre, dans une expression juste de soi. Se mentir laisse en place une blessure de non-reconnaissance de soi. Elle crée en nous un doute profond sur notre authenticité et perturbe gravement la relation de confiance de soi à soi, confiance pourtant nécessaire dans la construction de notre réelle identité.
Du mensonge à l'authenticité, Marie-Lise Labonté - Éditions de l'Homme (février 2014 ; 176 pages)
Pourquoi le mensonge aggraverait-il la maladie ?
Hors maladie avérée de mythomanie, le mensonge est un effort pour le corps et pour l'esprit, il entraîne - même inconsciemment - une surcharge de travail, d'émotions diverses, une désorganisation de la pensée, un combat... et même si la personne malade, à l'origine du mensonge se sent soulagée par son acte, les systèmes - nerveux et hormonal - et par extension, le système immunitaire, en pâtissent !
Quand le mensonge fait mal... réflexion...
M, médecin urgentiste à Dijon raconte :
« Une dame est arrivée un soir aux urgences, pas bien du tout, consciente de son état, elle connaissait sa maladie et son issue mais elle n'avait jamais voulu dire la vérité à son fils prétextant la fatigue de l'âge, une mauvaise chute ou un gros rhume pour justifier son état...
Au cours de la discussion, la dame dit vouloir épargner de la souffrance à son fils... (…)
Plus tard, je retrouve la dame, plutôt soulagée côté douleurs mais en train de pleurer ;
elle explique qu'elle ne sait pas si elle a bien fait de cacher la vérité à son fils unique, que cela dure depuis plus d'un an, que ce mensonge la fatiguait mais qu'elle ne pouvait pas faire marche arrière... à ce jour, elle avait des doutes sur son attitude passée... (…)
La dame est décédée 2 jours plus tard... son fils a été anéanti lorsqu'il a apprit la maladie de sa maman et a dit :
« Pourquoi n'a t-elle rien dit ? »... « Pour vous protéger » lui a t-on répondu...
Nous ne jugeons la façon d'appréhender la vie de personne ; reste juste une question en suspens : la vérité aurait-elle adoucit le départ de la dame des deux côtés ?
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Un autre aspect du mensonge à soi-même est le risque de se persuader de l'inutilité de se battre... exemple :
Je viens d'apprendre ma maladie (en fait, peu importe laquelle ici) mais je reste dans le déni (...)
La période de déni est normale mais il faut la dépasser pour avancer, pour aller vers l'acceptation et vers le combat, c'est un processus normal... Un malade qui ne dépasse pas la période de déni ne se donne pas les armes pour combattre sa maladie ; en refusant donc d'accepter la vérité, il se condamne par avance, envoyant un message de fatalité pessimiste à son corps et à son cerveau !
« Je n'ai pas cette maladie, ce n'est pas vrai, ils se sont trompés... »
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« Je n'ai pas à me battre, ce n'est pas pour moi, ce n'est pas possible, c'est une erreur »
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Le mensonge est-il un manque d'affirmation de soi ?
Très souvent, le mensonge cache une fragilité et cette fragilité est en fait la peur de ne pas être à la hauteur, à la hauteur de l'interlocuteur, à la hauteur de la tâche, à la hauteur de ses propres espoirs...
Certains psychologues parlent alors de destruction par manque d'amour de soi et donc par manque de respect et peur d'être « inférieur »...
De là à parler de manque de confiance en soi, il n'y a qu'un pas... lorsque l'on dit...
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C'est trop dur d'expliquer (ou de répéter etc)
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Ça va faire du mal si je dis la vérité
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Je ne peux pas parler de moi facilement
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J'ai peur d'avoir tort (ou de paraître bête)
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Je n'ai pas assez d'importance
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Je ne vais pas être compris(e)
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À quoi cela va t-il servir ?
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Je ne suis pas sûr(e)...
Voyez le mal que vous vous faites en ne croyant pas en vous, en ne vous accordant pas de temps, en manquant de confiance, en n'osant pas...
Comprenez alors que la maladie profite de vos faiblesses, de vos fragilités pour grignoter du terrain... en vous mentant, vous affaiblissez vos possibilités de défenses, vous mentez à votre esprit, vous fatiguez vos capacités et tout cela bien sûr, en continuant de vous trouvez des excuses mais vous donnez du champ à la maladie ! Sans le vouloir, vous lui donner la puissance qu'elle recherche...
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Comment remédier à cela ?
Dîtes-vous déjà qu'il n'y a pas de tabou, que la vérité ne va pas empêcher la Terre de tourner, que vous avez le droit de dire ce que vous pensez, que votre santé passe avant tout vis à vis des autres, que vous vous devez le respect et la confiance...
Au pire, vous perdrez des soi-disant « ami(e)s » (que vous finirez par ne pas regretter) si ceux-ci ne vous adressent plus la parole depuis que vous leur avez dit que vous n'étiez pas bien ; au mieux, vous gagnerez en confiance en vous, vous en sortirez grandit et en paix.
Et si l'on veut dire la vérité mais sans choquer ?
Selon le lien qui nous uni avec la personne en face de nous et selon notre degré d'émotivité et de confiance en nous, il peut être envisageable de dire la vérité « avec des fleurs », une vérité moins choquante, moins brusque, enrubannée en quelque sorte... choisissez de le dire avec humour, avec dérision peut-être mais surtout avec aplomb (certitude) et avec le sourire ! Entraînez-vous et entraînez-vous également à demander de changer de sujet de conversation si vous êtes gênés ou si vous sentez que la personne en face est embêtée, pratiquez l'humour, dédramatisez mais restez ferme !
Quelques pistes de réponses aux autres et / ou à soi-même pour ne pas utiliser le mensonge...
Quand on vous demande comment ça va...
« Ça va bof-bof mais c'est passager »
« Pas le top mais je vais maîtriser comme d'habitude »
« Pas terrible mais trop long à expliquer, t'inquiète ! »
« Quelques jours à avoir mal et ça ira mieux après »
Le mieux ?... D'un ton enjoué :
« Bin et toi alors ?? »... Bien posé, ça marche à tous les coups, votre interlocuteur ne pensera même plus à sa question !
Prenez également l'habitude de couper court aux questions suivantes en changeant vous-même très vite de sujet !
Quand c'est la famille proche qui se pose des questions...
L'idéal ?
Rassembler une bonne fois pour toutes parents, enfants, frères, sœurs etc et raconter SA maladie de long en large puis décréter que toutes les décisions de repos, calme (sonore, olfactif, lumineux...), « non sorties », « courses plus tard », « pas faim », « débrouillez-vous avec papa... », « mangez tous seuls » etc... sont vitales et devront être respectées au maximum !
Quand c'est vous-même qui vous posez des questions...
Visualisez un bouton « STOP » au milieu de votre front, appuyez dessus et dites :
« OK, repos et on en reparle plus tard »
Travaillez votre confiance en vous, affirmez votre ton lorsque vous parlez, donnez-vous des ordres, acceptez... avancez à votre rythme, ne culpabilisez pas...
Corinne MANTELET, présidente AISMS
PS : quand est-ce que vous devenez un peu égoïste ????
Date de dernière mise à jour : 01/08/2017